La salle était comble. Difficile de se frayer un chemin jusqu’à la scène ! Quelques jours plus tôt, ils jouaient au Bateau Ivre. Les Rennais se donnent vite le mot, quand il s’agit de découvertes musicales à ne pas manquer.
Ils sont six. Amis de longue date, ils émergent directement du vivier de la production musicale rennaise, bien souvent porteuse de talents, de pépites à découvrir. Et … c’est leur cas ! Tous unis en un cœur de soul, où le funk et l’afrobeat nous tancent, mélodieusement porté par les voix des chanteuses, Thiphaine et Maëva. L’une aux accents rock, l’autre aux intonations plus soul, plus suaves. Toutes deux nous invitent, nous pressent même, à groover de l’âme, bouger nos corps entassés au gré de leurs tempos, chauds et puissants. A notre insu, la musique nous prend, car à les écouter, les voir jouer, il semble difficile de rester de marbre sans taper du pied, même inconsciemment.
Puis le saxo résonne. Un écho des mots, solo qui sans le dire, répond en un souffle, au verbe haut de ses comparses. C’est Lucas. Il a rejoint la bande de Brigand ! après avoir joué dans un autre groupe avec Marine. Marine ? C’est la guitariste. Force tranquille et doigts enflammés, elle allie la maîtrise technique à l’élégance subtile de l’impro. La guitare funk c’est son trip et, généreuse, elle nous régale de ses riffs autant que de ses apartés. Elle nous a confié que son rêve est de vivre de sa musique et, à les entendre jouer, elle et ses amis pourraient bien y arriver !
Brigand ! C’est aussi la famille … Reynald, le batteur, est le frère de sa sœur … Ok, on s’en doutait ! Je parle de Marine. Ils jouent ensemble depuis un bon moment et la connivence va au-delà de la parenté. C’est la musique qui les tient, ne les lâche pas même, depuis de nombreuses années. Intensité, cadence effrénée, rythmes entêtants qui invitent au dépassement, les corps vibrent malgré eux. Qu’il use de sa grosse caisse ou de ses cymbales, c’est un appel du pied pour de la tête dodeliner, à son beat s’adonner. Qui dit batterie, dit basse aussi ! Jérémie, lui, nous inonde de notes chaudes et rondes, qui donnent corps à cette funky musique.
Brigand ! … Pourquoi Brigand ? A l’issue du concert, je n’ai pu résister à la tentation de leur demander. Pour moi, la musique est message et je souhaitais savoir ce qu’ils avaient dans les tripes. Ma question les a désarçonnés quelque peu, pour des brigands ! Un côté désuet, un peu hors la loi, à la « funk the rules » bien sympathique ma foi, voilà ce que j’ai retenu.
Je suis allée plus loin. Moi, je pensais à Tomi Ungerer, « les 3 brigands », récits pour enfants. Vous connaissez sûrement cet auteur illustrateur et … provocateur ! Il préconisait de terrifier les enfants. Mais dans le cas présent, ils sont 6 brigands, voire 7 parfois, quand le trombone s’y met. L’étymologie m’a dit que le mot brigand est apparu au Moyen-âge, pour désigner un soldat œuvrant à son compte, sans armée officielle. C’est le masque du Vendéen révolutionnaire ensuite qu’il a pris, avant de devenir ce qu’il est aujourd’hui, un terme péjoratif, synonyme de voleurs agissant en bande. Connoté n’est-ce pas ?
Alors que faire de tout cela ? « Calm down », me chanterait « Brigand ! ». La clef est ailleurs, dans les origines mêmes du funk, ce fils du brigandisme musical, dont les précurseurs sont la soul et le jazz. Liberté totale de s’improviser en bande, tant dans la musique que dans les chants profonds de l’âme, black. Cherche dans les paroles de « Paradis » ou encore de « Mon thé à la menthe », va au-delà et tu comprendras que tous parlent d’aimer la vie, comme des brigands, c’est-à-dire librement. En soldats de la musique, ils nous offrent une expérience unique dont l’essence remonte aux Seventies, mais dont ils ont su tirer flagrance, eux, qui n’ont pas trente ans. Ils partagent avec leur public la vibrante énergie et l’enthousiasme de funky souls.
Pour conclure ? Ecoutez « Sabrozazer », leur nouvel EP de 7 titres, en vente sur Bandcamp !
Marie Hardouin pour Off\On !
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